Au-delà de l’engagement : redéfinir le sens du travail dans les milieux modernes

Published on 
May 14, 2025

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Dans un épisode récent du balado Leading Culture*, Mike Ross (ancien chef des ressources humaines chez Simons et actuellement doctorant étudiant le sens du travail) a souligné une statistique frappante : seulement 21 % des employés dans le monde se sentent engagés dans leur travail. Il s’agit du niveau d’engagement le plus bas depuis la pandémie et, comme l’a souligné Mike, cela représente non seulement un enjeu organisationnel, mais aussi un enjeu profondément humain. 

Ensemble, Mike et Kahina Ouerdane, cheffe des ressources humaines chez Workleap et animatrice du balado Leading Culture*, ont exploré une distinction essentielle qui pourrait aider les leaders à faire face à cette crise de l’engagement : la différence entre trouver du sens dans son travail et trouver du sens au travail. 

La nuance essentielle : « dans » vs « au »

Quand on parle de travail porteur de sens, on mélange souvent plusieurs concepts distincts. Mike a clarifié cette idée en décomposant le sens en trois catégories : 

  • Le sens du travail : la valeur que la société attribue au travail en général.
  • Le sens dans le travail : ce qu’on retire personnellement de ses tâches au quotidien.
  • Le sens au travail : ce qui émane de l’environnement de travail et du sentiment d’appartenance à une communauté.

Cette distinction est loin d’être purement théorique. Elle reflète un changement fondamental dans notre manière d’aborder l’engagement au travail. Trop d’organisations se concentrent sur une seule facette. Or, pour créer un environnement réellement épanouissant, il faut s’attaquer aux deux dimensions. 

Le sens dans le travail est lié aux tâches, au développement personnel, à la progression, à la conviction que son rôle a un impact. Le sens au travail, quant à lui, relève du sentiment d’appartenance, de la communauté, de la culture d’entreprise façonnée par des valeurs partagées. 

À qui revient la responsabilité?

Une question délicate ressort de cette réflexion : sur qui repose la responsabilité de créer du sens? Est-ce à l’employeur de donner un sens au travail, ou aux employés d’arriver avec le leur? 

Comme souvent, la réponse se situe quelque part entre les deux. Cependant, comprendre la différence entre le sens dans et au travail nous aide à mieux répartir cette responsabilité. 

L’employeur a la responsabilité de créer les conditions qui permettent aux gens de développer leurs compétences dans des tâches significatives. Cela implique d’offrir des occasions d’apprentissage, de garantir de la variété dans les mandats et de relier les contributions individuelles à un impact plus large. On ne peut pas forcer quelqu’un à trouver un sens à son travail, mais on peut certainement éliminer les obstacles qui l’en empêchent. 

Kahina partage d’ailleurs son expérience lors de cette conversation. « Il y a quelques années, en discutant du sens du travail avec des collègues, plusieurs m’ont demandé : « Alors, c’est quand que tu me trouves ma place? » Ce genre de commentaires montrait un décalage dans les attentes. Il fallait rééquilibrer les rôles de chacun. Pour paraphraser JFK : Ne demandez pas seulement ce que l’entreprise peut faire pour vous. Demandez-vous aussi ce que vous pouvez puiser en vous qui servira ultimement l’entreprise. »

La crise comme catalyseur de sens

De manière surprenante, les périodes de crise peuvent faire émerger du sens au travail. Mike raconte qu’à l’époque de la COVID, chez Simons — un détaillant canadien établi depuis 185 ans — ils ont vécu des moments exceptionnels. Les magasins étant fermés, des acheteurs mode habitués à parcourir le monde se sont retrouvés à préparer des colis dans les centres de distribution. 

« Plusieurs employés décrivent cette période comme l’un des moments les plus porteurs de sens de leur carrière chez Simons », a partagé Mike. Pourquoi? Parce que la crise a déclenché un profond sentiment de solidarité, d’unité, de communauté. Quand le PDG lui-même emballe des boîtes aux côtés de ses équipes, les hiérarchies s’effacent et le sentiment d’appartenance se renforce. 

Cette histoire nous apprend quelque chose d’important : pendant une crise, le sens dans le travail peut diminuer (moins d’occasions d’apprentissage ou d’avancement), mais le sens au travail, lui, peut se renforcer. Les entreprises qui ont bâti une culture solide disposent alors d’un « coussin » émotionnel sur lequel s’appuyer. 

Créer des rituels porteurs de sens

Un moyen puissant de nourrir le sens au travail, c’est d’instaurer des rituels. Mike définit un rituel comme « une habitude qui porte une signification plus profonde ». Chez Simons, par exemple, les caissiers font le tour du comptoir pour remettre les achats en main propre aux clients. Ce simple geste traduit un engagement envers un service hors pair et devient un marqueur culturel. 

Ce genre de rituel illustre bien une vérité essentielle : la culture, c’est de la stratégie. Les deux doivent être alignées. Si votre stratégie repose sur un service client exceptionnel, vous devez cultiver une culture où les gens veulent offrir ce service. Les rituels que vous instaurez peuvent renforcer ou saboter cet alignement. 

Pour les leaders qui veulent contrer la crise de l’engagement, introduire des rituels porteurs de sens est un excellent point de départ. Demandez-vous quelles habitudes dans votre organisation pourraient devenir des rituels en les rattachant à une mission plus grande. 

Trouver l’équilibre entre collectif et individuel

Créer un environnement de travail porteur de sens exige aussi d’équilibrer la performance individuelle et collective. Pour emprunter un dicton au monde du sport : On ne veut pas finir la saison avec les meilleures statistiques, mais rater les séries. On veut gagner la coupe.

Mike a poussé cette métaphore sportive encore plus loin. À la question « Que fait un gardien de but? », la plupart des gens répondent « Il arrête les rondelles. » En réalité, le travail de chaque joueur — gardien, défenseur, attaquant — est de gagner la partie. C’est pour ça que Martin Brodeur, légendaire gardien, a marqué cinq buts dans sa carrière : il a saisi que dans certaines situations, gagner exigeait plus que de rester devant le filet. 

Cette perspective rappelle que si chaque rôle comporte des objectifs spécifiques, l’objectif collectif reste prioritaire. Le défi des organisations, c’est de créer un cadre qui permet aux gens de dépasser les limites de leur rôle quand la situation l’exige, sans renier leurs responsabilités de base. 

Rester connectés à l’humain

L’un des points les plus cruciaux pour les RH et les dirigeants, c’est de préserver le lien humain, surtout dans un contexte de télétravail. Mike souligne que bien des gens choisissent les RH par souci des autres, mais que le rôle exige parfois de prendre de la distance pour gérer l’équité et la constance dans de grandes équipes. 

Son conseil : « Résistez à cette tentation. » Ne perdez pas de vue l’humanité de vos collègues. Parfois, ça veut dire faire des exceptions — comme remplacer le vélo volé d’un employé à faible revenu. Ce n’est pas un geste qu’on ferait nécessairement pour un VP, mais c’est un geste profondément humain. 

Chez Workleap, Kahina a instauré des cafés-rencontres aléatoires avec des employés de tous les niveaux. Au début, les gens étaient nerveux en recevant une invitation (« Est-ce que j’ai fait quelque chose de mal ? »), mais après qu’elle ait expliqué publiquement que l’objectif était simplement de connecter, la pratique s’est étendue à toute l’équipe de direction — avec des effets marquants. 

Ces conversations nous ramènent à l’essentiel : derrière chaque stratégie se trouvent des humains avec des réalités, des émotions, des défis qu’on n’aurait jamais soupçonnés autrement. Ces moments de connexion témoignent d’une attention réelle, au-delà des politiques officielles. 

Et maintenant, on fait quoi?

Il n'y a pas de solution miracle à la crise de l’engagement. Cela étant dit, voici quelques pistes de réflexion : 

  • Les tables de ping-pong ou les repas gratuits ne suffisent pas. Il faut repenser en profondeur notre rapport au sens du travail.
  • En distinguant le sens dans le travail du sens au travail, on peut mieux répartir les responsabilités entre employeurs et employés.
  • En comprenant comment le sens émerge pendant une crise, on peut construire des cultures plus résilientes.
  • En créant des rituels qui traduisent nos valeurs, on aligne culture et stratégie.
  • Et en gardant une connexion humaine, on s’assure que les employés se sentent vus, écoutés, et valorisés dans leur entièreté.

L’avenir du travail porteur de sens ne repose pas sur des projets ambitieux. Il repose sur une compréhension plus fine de ce qui motive réellement l’engagement humain. En tant que leaders, notre rôle est de poser les conditions où les deux types de sens peuvent émerger — tout en sachant que le vécu du sens, lui, restera toujours profondément personnel. 

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Kahina Ouerdane est cheffe des ressources humaines chez Workleap et animatrice du balado Leading Culture*. Cet article s’inspire de sa conversation avec Mike Ross, ancien chef des RH chez Simons, administrateur de conseils d’administration et doctorant à l’Université Concordia, où il étudie le sens au travail. 

*Balado disponible en anglais seulement.

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